Aurore et Jonathan Malbranque essayaient d’avoir un bébé depuis 8 ans. À 41 ans et après de longues années de patience et de persévérance, Aurore attend enfin un heureux événement pour Noël. La future maman nous raconte leur long parcours de PMA, les démarches, les nombreuses difficultés rencontrées, mais aussi les belles rencontres.
Pour quelle raison avez-vous eu recours à la PMA ?
Aurore Malbranque : Après un an d’essai naturel, on a fait des examens de notre côté, l’un et l’autre, et on s’est vite rendu compte qu’on avait tous les deux un problème. Et si la PMA a permis à Jonathan de régler le sien, ça ne réglait pas le mien, notamment en termes de nidation.
Alors comment avez-vous fait, avez-vous utilisé une technique particulière ?
Il y a plusieurs façons de faire de la PMA : soit par stimulation parce que le corps a besoin d’être mis en route, soit par insémination, soit par la FIV classique ou la FIV ICSI. Moi je dis souvent qu’on a eu la chance d’être des cas désespérés et de ne pas avoir à passer par tout ce qui est insémination ou autre parcours de stimulation.
On nous a tout de suite fait passer en fécondation in vitro, et plus particulièrement en FIV ICSI. C’est-à-dire qu’on allait récolter les ovocytes chez moi, les spermatozoïdes chez Jonathan, et puis après on les faisait se rencontrer. Comme notre cas était très compliqué, contrairement à la FIV classique où on les fait se rencontrer dans un tube à essai, on a fait une FIV ICSI. On injecte le spermatozoïde directement dans l’ovule pour que se forme un embryon. Sans ça, ça n’aurait pas fonctionné, on n’aurait jamais eu d’embryon. C’est vraiment la dernière manière de faire la FIV.
Cela faisait 8 ans que vous essayiez, de combien d’essais avez-vous eu besoin ?
Je ne me souviens plus vraiment parce qu’à un moment donné, j’ai arrêté de compter ! Mais je pense qu’on a fait 10 essais.
Est-ce que la procédure administrative en amont est compliquée, ou est-ce accessible ?
Quand on reçoit les résultats des tests chacun de notre côté, il faut savoir qu’on les reçoit chez soi et qu’on est un peu désemparé devant un courrier médical qu’on ne comprend pas. Mais très vite, on est orienté vers un médecin spécialisé en PMA et c’est lui qui va faire tout le dossier administratif. On ne s’occupe donc quasi de rien et on se laisse porter par une vague qui nous submerge parce qu’on ne comprend pas du tout dans quoi on va s’embarquer.
Moi, je conseille aux gens d’avancer étape par étape. Pour les documents administratifs, on commence par l’Assurance Maladie, parce qu’on va bénéficier d’une ALD – une affection longue durée – pour que tous les examens soient pris en charge à 100 %. Ensuite, on passe par un conseil de médecins : notre dossier va être présenté pour savoir si oui ou non on doit tenter la PMA. Il y a donc tout un protocole avec un conseil de médecins qui va valider ou non médicalement, et après administrativement. Et puis à partir de là, on nous invite à une grande réunion collective où sont présents des centaines et des centaines de couples concernés par la PMA – pas forcément par le même protocole – et à qui on va expliquer de manière collective comment tout va se dérouler.
Comment avez-vous vécu toutes ces démarches avec le personnel médical ?
Au début c’est très clinique, très médical, on ne comprend rien. Moi je me souviens d’une fois où le médecin nous a expliqué très brièvement comment se piquer pour la stimulation, et je me suis dit : « Mais comment on va faire ?». La première fois que Jonathan m’a piquée, il tremblait parce qu’il avait peur de me faire mal et qu’on n’avait pas vraiment mis de mots sur ce qui allait se passer.
Et puis progressivement, parce qu’on apprend à se connaître, parce que le temps passe, on ne se lie pas d’amitié mais il y a une certaine affection avec le personnel médical. Et pour tout vous dire, il n’y a pas très longtemps j’ai croisé une infirmière qui me suit depuis 8 ans dans un magasin. Elle a appris que j’étais enceinte et j’avais l’impression que c’était une copine qui apprenait ma grossesse. On sentait que tout le monde était heureux pour nous.
D’un point de vue physique, la PMA est-elle douloureuse ?
Les ponctions sont très douloureuses. Elles permettent de recueillir les ovocytes, donc on va vraiment stimuler pour que la femme produise. En général, une femme produit un ovule par cycle et là on va en produire un maximum pour les récolter et pouvoir faire des embryons.
Vous avez une stimulation en amont ?
Oui, c’est une stimulation pendant 15 jours où on se pique tous les jours à heure précise. Et c’est très dur parce que la dose d’hormones est énorme. Moi je vomissais en permanence, j’avais le ventre qui avait doublé de volume comme si j’étais enceinte de plusieurs mois. J’avais beaucoup de céphalées aussi, et puis au moment de la ponction on est sous anesthésie générale donc là ça va mais au réveil ce n’est pas forcément évident. Et moi j’ai eu la malchance de faire ce qu’on appelle une hyperstimulation, ou plus exactement un syndrome d’hyperstimulation ovarienne. J’ai dû être hospitalisée parce que mon corps s’était rempli d’eau et que cela pouvait aller jusqu’à l’étouffement. Ça peut être mortel donc il faut vraiment faire attention. Disons que dans la PMA, moi j’ai été un cas d’école.
Vous n’avez vraiment pas été épargnée ?!
Non, franchement, cet enfant qui va arriver, ça aura été un combat de tous les jours.
« Je crois que le secret de la réussite d’un couple dans la PMA, c’est de toujours se mettre à la place de l’autre. »
Vous parlez beaucoup de Jonathan, votre mari. Quelle est pour vous la place du conjoint dans la PMA ?
Je pense qu’il faut que les femmes aient conscience que même si elles sont les premières concernées dans ce qu’elles vont vivre au quotidien, qui est très difficile physiquement et mentalement, le conjoint vit la même chose émotionnellement. Et je crois que le secret de la réussite d’un couple dans la PMA, c’est de toujours se mettre à la place de l’autre. Moi, j’ai toujours pensé que Jonathan était aussi désemparé et stressé que moi face à cette situation. Même si j’ai un mari formidable qui n’a jamais rien montré, je sais que ça a été très compliqué pour lui aussi. Et je pense qu’il a pleuré en secret. Même si le soutien, c’est plutôt la place du conjoint, je pense que cela doit vraiment aller dans les deux sens et être un soutien mutuel. De temps en temps, la femme doit aussi tenir la main de l’homme parce que ce n’est pas facile pour lui non plus.
Nous, on avait décidé qu’il serait impliqué complètement dans le protocole dans le sens où c’est lui qui allait me faire les piqûres. Donc il m’a fait toutes les piqûres, du début jusqu’à la fin. Il a toujours été présent, à chaque rendez-vous médical et puis pour me préparer des petits plats ! (sourire) Mais il m’a beaucoup écoutée aussi, et puis il a écrit un livre pour raconter comment il a vécu les choses. Je ne sais pas s’il le publiera un jour mais je crois qu’il a eu besoin d’en parler, pas forcément à moi parce qu’il est très protecteur, mais il a besoin de mettre des mots sur les maux.
Estimez-vous avoir été bien informés sur toute la procédure de PMA (pourcentages de succès, conséquences physiques, possibilité de grossesse multiple) ?
On a eu la chance d’avoir un médecin qui nous a toujours tout bien expliqué. On est aussi suivis au centre de PMA de Lens qui n’a pas menti sur ses statistiques. Ils nous ont toujours dit qu’elles étaient plus faibles que les autres, mais parce qu’ils prenaient plus de monde. La seule chose que je reproche peut-être à la PMA aujourd’hui, c’est l’absence de soutien psychologique. Les médecins sont bien préparés à expliquer médicalement ce qui va se passer mais émotionnellement, tout le monde met un peu la poussière sous le tapis et se dit : « Si ça devient grave, alors on orientera vers un psy. Mais pour les petits bobos du quotidien, les petites émotions basiques, on repassera plus tard ». Donc on a été informés sur plein de choses mais sur l’aspect psychologique, on n’a pas idée à quel point ça peut bouleverser.
« La seule chose que je reproche peut-être à la PMA aujourd’hui, c’est l’absence de soutien psychologique. […] on n’a pas idée à quel point ça peut bouleverser. »
Comment se passe votre grossesse, est-ce que vous vous sentez bien physiquement ?
Globalement, bébé va mieux que sa future mère ! (rires) Oui, moi je n’ai vraiment pas eu de chance. J’ai déclenché l’hyperémèse gravidique, l’hyperthyroïdie qui arrive parfois avec la grossesse, et j’ai dû rester alitée pendant des semaines et des semaines. J’ai arrêté de travailler après un mois de grossesse seulement alors que j’ai un boulot qui me passionne… Je ne rêve que d’une chose : reprendre le travail. C’est très frustrant parce que j’aurais déjà aimé vivre l’avant grossesse de manière normale, mais en plus je n’ai pas non plus vécu une grossesse très normale… J’espère que j’aurais un accouchement des plus classiques !
L’hyperémèse gravidique est assez peu connue à ce jour, est-ce que vous pouvez m’expliquer les symptômes ?
J’ai déclenché l’hyperémèse gravidique à 6 semaines de grossesse. Vous vous sentez bien et d’un coup vous ne savez pas pourquoi mais vous avez envie de vomir en permanence, des vertiges, des maux de têtes et de l’hypersalivation. J’en arrivais au point où dès que quelqu’un me parlait, je n’avais qu’une envie c’était de rester seule. Je ne me levais plus, je ne mangeais plus, je ne me douchais plus. Ça a duré comme ça pendant plus de 48 heures. J’ai perdu 7 kilos en 2 semaines. J’étais vraiment coupée du monde au point où je me disais : « Si la grossesse c’est ça, je ne tiendrais jamais 9 mois ». C’est très difficile à dire mais à un certain point, je me suis même dit qu’il allait falloir arrêter là, arrêter cette grossesse pourtant tant désirée parce que je souffrais trop, parce que ce n’était plus possible.
Comment ça s’est arrangé ?
J’ai eu la chance d’avoir un médecin traitant qui m’a prise en charge de suite. J’ai déclenché l’hyperémèse un vendredi et le mardi j’allais chez le médecin. Tout de suite on m’a mise sous perfusion de Primpéran et sous réhydratation. J’ai eu des compléments alimentaires à prendre et ça m’a permis de me stabiliser un peu. Mais pour autant, quelques fois, j’avais des pics de vomissements. Quand je dis pic, c’est à peu près 50 fois par jour. Tout le monde me disait que c’était normal de vomir pendant la grossesse… Oui c’est normal, mais pas 50 fois par jour. Jonathan a fait plusieurs fois du télétravail pour me surveiller parce que dès que je mettais le pied par terre je faisais des malaises.
« Quelques fois, j’avais des pics de vomissements. Quand je dis pic, c’est à peu près 50 fois par jour. »
J’ai été hospitalisée et quand j’arrivais à l’hôpital on me disait : « J’espère que vous n’êtes pas devant votre télé ou devant votre téléphone ? Car les « vomisseuses » en général c’est comme ça que ça se passe ! ». On m’a aussi dit « Est-ce que vous êtes sûre que vous voulez de cette grossesse ? Parce que peut-être que vous vomissez votre grossesse ! ». Je me disais : « Mais c’est une blague ?! Ça fait 7 ans que je fais de la PMA, bien évidemment que je ne suis pas en train de vomir ma grossesse ! » C’est ce que je voulais le plus au monde, mais ça a été très violent. Ça a duré comme ça pendant 5 semaines, de la 6e à la 11e. Et à la 11e semaine, un jour j’étais à bout, je suis de nouveau allée à l’hôpital et mon mari a vraiment tapé du poing sur la table en disant qu’il fallait approfondir les examens. Ils ont trouvé que je souffrais d’hyperthyroïdie, qui à mon avis a aussi intensifié l’hyperémèse. On m’a donné un médicament miracle qui s’appelle du Xonvea, c’est comme du Cariban, c’est très connu aux États-Unis et au Canada mais moins en France et ce n’est pas encore remboursé par la Sécurité sociale. Moi je paye 50 € tous les 10 jours pour me tenir à flot. Mais je me dis comment font les femmes au RSA ?
Quels conseils aimeriez-vous donner aux futurs parents qui se lancent dans une PMA ?
Les conseils que je donnerais, c’est sans doute de beaucoup communiquer, que ce soit avec le monde médical ou avec son mari. Par contre, il vaut mieux ne pas écouter les amis. Moi je dis toujours : les amis c’est top pour boire l’apéro et pour faire la fête mais surtout pas pour donner des diagnostics ! Et puis il faut être patient dans ce parcours, et toujours y croire. Voilà les conseils que je peux donner.